On me demande (déjà !) régulièrement ce qui dans mon expérience politique m’a le plus déçu. C’est une question à laquelle j’ai souvent du mal à répondre. Non qu’il n’y ait rien de décevant (si, si…), mais qu’à ce stade, je suis fort concentrée sur tout ce qu’il y a à apprendre et à défendre et qui m’intéresse et me plaît. C’est ce qui occupe davantage mon attention et mon temps…

Il y a tout de même un événement récent que j’ai trouvé particulièrement déplorable. Il illustre ce que les problèmes communautaires et institutionnels peuvent avoir d’absurde et de contre-productif.

Vous aurez certainement entendu que, sur la base d’un recours introduit par l’ASBL « Vlaams Komitee Brussel » à laquelle s’est joint le Gouvernement flamand, la Cour constitutionnelle a récemment annulé un article du budget 2010 de la Région de Bruxelles-Capitale relatif au subventionnement de projets communaux de création de crèches.

Je vous ai déjà à plusieurs reprises parlé du besoin de places supplémentaires d’accueil dans les écoles bruxelloises en raison de l’essor démographique. A fortiori en va-t-il de même pour les crèches… la création de places d’accueil dans les crèches à Bruxelles est un besoin criant, et qui ne cesse de s’amplifier. Tous les efforts en ce sens doivent être déployés. Ce sont mes collègues Alain Maron et Arnaud Pinxteren qui s’occupent de ce dossier.

Dans son arrêt, pour résumer, la Cour constate que cet article budgétaire permettait le financement complémentaire par la Région de crèches communales et que, dans cette mesure, il portait sur la politique familiale or, la politique familiale relève des Communautés. La Région de Bruxelles-Capitale n’est donc pas compétente pour financer directement la construction de crèches.

Cet arrêt n’a rien de surprenant. C’est l’évidence que l’accueil de la petite enfance relève des Communautés. Mais le nombre de places à créer d’urgence dans les crèches bruxelloises est tellement important que j’ai réellement du mal à concevoir quel intérêt cette ASBL et surtout le Gouvernement flamand ont à contester les efforts de la Région ! L’introduction de ces recours est nuisible à la pacification communautaire et surtout déplorable pour les familles confrontées au défi de trouver une place pour leur enfant…

Sur le plan des effets immédiats de l’arrêt, la Cour a toutefois estimé que la décision d’annuler cet article budgétaire n’avait pas pour conséquence que le financement alloué en 2010 sur cette base doive être remboursé. Les projets de 2010 sont donc saufs. Cependant, l’arrêt interdit à la Région de répéter de la même manière des investissements dans les matières relevant des Communautés à l’avenir.

A cet égard, la Cour indique toutefois deux pistes, pour permettre malgré tout à la Région de participer aux efforts nécessaires à l’accueil de la petite enfance à Bruxelles. Il s’agirait :

  •  Soit de passer par la Commission communautaire française (COCOF) et son équivalente la Vlaamse Gemeenschapscommissie (VGC) via la clé traditionnelle de répartition des moyens à 80/20. Cette piste devrait faire facilement consensus. Il n’en reste pas moins qu’elle aurait pour effet de « donner un sexe linguistique » (fr ou nl) aux crèches dès le dépôt de la première pierre ce qui pourrait poser ensuite des problèmes au moment de demander à l’une ou l’autre Communauté de financer le fonctionnement de la crèche.
  •  Soit de passer par la Commission communautaire commune (COCOM). Ceci présenterait certes un nombre important de défis (infrastructures, accueil, organisation, financement) mais est également une hypothèse fort intéressante dès lors qu’elle permettrait aux tout jeunes bruxellois d’être accueillis dans des structures bicommunautaires (fr et nl).

Aujourd’hui, ces deux pistes doivent être étudiées et doivent l’être sérieusement, puisque les besoins s’amplifient. Nul doute que nous y reviendrons.

Et je retiens que ce ne sont pas les gens qui doivent être au service des institutions, mais les institutions au service des gens, en l’occurrence au service des familles qui ont besoin que leurs enfants en bas âge soient accueillis et bien accueillis.